Pour « construire des cabanes » en institution, l'artthérapeute
a besoin de terrains vagues, où l'écume peut se dessiner en mouvement, où le
sujet peut danser ses possibles. De ses ouvertures poétiques s'élèvent des chemins. La
poésie peut venir voiler, sublimer, donner un sens là où il n'y en a pas, convaincre
qu'allumer des réverbères nous fabrique des ailleurs... Avec des dispositifs travaillés
dans l'éphémère, le sujet s'éloigne de la simple dimension d'illustration de ses émotions
psychiques. En art-thérapie, il n'est pas question de regarder, mais d'une singularité de
perception, qui par effet de négatif met en évidence tout ce qui n'est pas vu. C'est
justement dans cette dimension d'absence que les dispositifs ouvrent des champs de
possibles, aux frontières dynamiques. A l'image d'un parchemin palimpseste, le sujet
dans le dispositif réécrit son histoire pour y faire apparaître de nouvelles traces. Dans
l'effacement, il y a la poésie et le Kaïros, la force de l'instant. Mettre du vent dans ses
voiles, c'est une invitation à la traversée pour un oeil trompé...
L'espace art-thérapeutique est dans l'institution, le lieu où ce corps psychique peut se
réfugier. C'est un espace ouvert qui vient à la fois à contre-courant, mais aussi en
complément des attentes de sociabilisation que l'institution induit. Pour le sujet, c'est
aussi l'assurance de ne pas rester aliéné au regard de l'autre, de s'octroyer un espace
ressource de repli constituant et structurant.
L'espace art-thérapeutique permet ainsi de redonner ou
d'ouvrir au sujet, une place dans ce qu'il est vraiment, dans ce pour quoi il est fait. En
art-thérapie, la fragilité, l'agitation, la singularité (qualités brimées en société) font
pleinement partie de la rencontre. Il s'agit pour l'art-thérapeute de permettre au sujet, de
se redonner la liberté d'être au-delà des attentes que chacun peut avoir pour lui...«la
liberté comme assomption de sa nécessité interne», au creux de l'intime de la Lalangue.
Dans l'institution, je devrai en tant qu'art-thérapeute m'inventer un espace, le rendre
palpable, le partager dans le bien-dire avec les équipes, en gardant au centre de mes
préoccupations le sujet de l'inconscient.